[pv shi]

Faim. Faim faim faim et encore une fois, faim. Il avait beau être habitué à manger peu, il était clairement en manque. Il lui semblait pourtant avoir vu une cantine quelque part par là... Le garçon était assez grand, les cheveux noir de jais tout comme ses deux oreilles plaquées défensivement en arrière et ses deux ailes trop petites, la gauche formant un angle très peu naturel, prouvant qu'elle était cassée, et ça depuis déjà un moment. Un demi-an? Un an? Il n'avait pas fait attention, désintéressé par l'affaire. Ses ailes étaient trop petites pour pouvoir servir à quoi qui se soit, et n'avait aucune utilité pour. Un peu comme ses oreilles félines, elles étaient là depuis toujours mais ne servaient à rien. Ses yeux abordaient une jolie couleur rouge pâle, tirant presque sur le rose, et étaient complètement dénués de pupille, pâles et sans vie.

Ce n'est pas sans difficulté qu'il trouva la porte qui menait vers la cuisine/cantine, et une mauvaise surprise l'attendait à l'intérieur. Il y avait déjà quelqu'un. Il s'agissait d'une petite fille entre douze et quatorze ans à première vue, se tenant là à attendre, du moins c'est ce qu'il lui semblait. Peu importe ce qu'elle attendait, d'ailleurs. Le jeune homme resta quelques instants dans l'encadrement de la porte, réfléchissant à ce qu'il allait faire, partir ou manger, et se décida pour la deuxième option. Il allait manger un morceau et se barrer juste après. Il ne savait pas et ne voulait pas savoir ce que la fille faisait ici, il n'aimait pas se retrouver subitement en présence de quelqu'un d'autre. Détournant ses yeux tristes, il se dirigea d'un pas souple mais le dos voûté vers une armoire au hasard et fut heureux d'y rencontrer quelques paquet de soupe instantanée. Non pas qu'il sache s'en servir, mais ça ne devait pas être si compliqué. Encore heureux qu'il sache lire. Après avoir donc lu et relu attentivement les instruction sur la boite, il chercha un moyen de faire chauffer de l'eau, trouva un petite machine pour le thé, la mit en marche et attendit calmement le "pling!" qui allait calmer sa faim. En attendant, il s'assit sur le comptoir, ses longues jambes tombant devant lui, tout comme ses cheveux noirs qui insistaient à lui couvrir le visage. Ainsi assis, on voyait distinctement la forme de ses côtes moulant le tissus de son t-shirt serré, surtout qu'aujourd'hui il ne portait pas le manteau rapiécé qui d'habitude pendait mollement le long de ses épaules.

C'était là le portrait de Shi, qui n'avait plus rien à perdre et n'espérait rien gagner. Il ne broyait pas du noir mais ne cherchait pas le bon côté des choses, vivant parce qu'on ne le laissait pas mourir malgré son état constant de maigreur. Ça, il était maigre, squelettique même. Bien que son visage soit taillé fin et symétrique, avec des traits très peu marqués et doux, son corps était toujours faible et amaigri, comme s'il n'avait pas été nourri pendant des semaines. Et pourtant il mangeait, comme le prouve sa présence dans la cantine, à attendre patiemment que l'eau bout et qu'il puisse se remplir un bol de soupe pour pouvoir repartir le plus tôt possible, assez loin de tout le monde. S'isoler parce qu'il savait que si personne ne l'entourait, personne ne pourrait lui faire de mal, le trahir. Personne ne pourrait lui donner un espoir vain qu'il perdrait à nouveau peu après.

[T'as juste zappé le "du mal à entendre" XD Je fais comme si c'était pas là hein, tu me tueras pas pour xp]

Lui non plus ne savait pas cuisiner, mais chauffer de l'eau pour un bol de soupe instantanée, ça, il savait faire encore. Sans un mot, il ajouta de l'eau à l'appareil qui faisait ainsi bouillir la flotte pour deux portions. Ça durait plus longtemps, certes, mais il avait l'éternité devant soi et s'économiserais pas mal d'ennuis en faisant sagement ce que la petite demandait de lui, à manger. Ça ne lui coûtait rien et il ne se cherchais pas d'ennuis. Ses oreilles se levèrent un peu en entendant parler de ses ailes, signe discret qu'il écoutait et surtout surveillait la personne près de lui. La remarque lui fit hausser une épaule, ce qui fit se soulever légèrement l'aile droite, l'intacte. Il ne se préoccupait plus de ses paquets de plumes depuis fort longtemps déjà, avant que l'une d'entre elles ne se casse lors d'une dispute un peu plus violente, étant parfaitement incapable de s'en servir pour voler. Elles étaient trop petites, trop noires et trop faibles pour le porter, lui qui ne pesait pourtant pas bien lourd, surtout pour ses seize ans.

-Elle est cassée depuis presque un an, c'est cicatrisé comme ça.

Sa voix n'avait aucun timbre, neutre et peut-être un peu triste mais sans rien d'autre, presque l'ombre de mots pourtant distincts.
Et puis la petite s'excusa, croyant l'avoir vexé. Il ne voyait rien de vexant dans ses paroles, rien d'autre qu'une remarque neutre. On peut-être une façon de centrer ses faiblesses, mais elles lui semblaient tellement évidentes... Il était maigre comme un clou, de taille moyenne mais ne se défendait pas ou à peine, préférant fuir ou se cacher. Il connaissait ses faiblesses et agissait en conséquent. Et rien, absolument rien en ce monde ne l'avait encore fait sortir de ses gongs. Il ne se battait pas pour soi même ou pour d'autres, n'avait aimé qu'une personne et s'était fait abandonner trop vite pour comprendre. Il n'allait nul part et c'était très bien ainsi.

Le garçon entendit le "pling" si caractéristique d'un appareil indiquant qu'il avait finit sa tâche, dans ce cas le chauffe-eau qui avait... chauffé l'eau, quoi d'autre. Prudemment, il ouvrit les deux boites pleines de nouilles, ouvrit et vida les sachets dans deux bols et y ajouta l'eau chaude, aucunement troublé par la vapeur qui lui montait dans le visage. Puis il ouvrit quelques tiroirs pour trouver deux cuillères surprenament propres, les mit chacune dans un des bols et en pris un, laissant l'autre sur le plan de travail. On lui avait demandé de faire quelque chose, il avait fait, mais l'idée de présenter le bol à la jeune fille ne lui traversa même pas l'esprit. Mais bon, Shi n'avait jamais été très sociable et ne le serait sans doute jamais, se désintéressant des relations sociales, ou plus, les fuyant. Il ne cherchait pas à connaître ou garder en mémoire les personnes qu'il rencontrait, ne notant que leurs visages pour se souvenir de ceux desquels il fallait se méfier plus que la moyenne.

Don't trust them and they won't hurt you.

Kawai l'écouta, le jeune homme disait que son aile était déjà cassez depuis un ans, le pauvre, comment avait-il fait pour dormir avec une telle douleureux ?
Kawai avait de la chance, elle pouvait rentrée et sortir ses ailes dans aucun problème, et sans douleure.
Un "Pling" la fit sursauter, elle était tellement absorbé dans es pensées, elle prit le bol puis le fuit flotter dans l'air, entre temps elle se souleva puis s'assit sur le plan de travail, puis reprit son bol. Elle sourit au jeune homme et lui dit d'une voix douce :

-Tu es là depuis longtemps ? En tout cas se "temps" à bien réussit à te détruire ! Tu es tellement triste, je le sais car j'arrive à lire les sentiments des personne que je regarde dans les yeux !

Elle lui tira la langue puis continua :

-Si tu veux t'enfuire je peut te dire par où passer !

Il ne toucha pas son bol, sachant parfaitement que c'était encore trop chaud, et puis le paquet demandait de laisser reposer cinq-dix minutes, alors... Quoi qu'il en soit, il s'était assis à l'une des tables, tout au bout de sa chaise, les coudes de chaque côté de son bol. Il observa avec méfiance la soupe de la petite fille flotter pour venir se poser à côté, notant chaque détail, chaque pouvoir. Il ne se souvenait pas des noms et et caractères, mais savait mettre sur un visage toutes les capacités, ou presque, cherchant à cerner le potentiel danger que pouvait représenter n'importe qui. Et plus ou moins n'importe quoi aussi. Il se méfait de tout et chacun, parfaitement conscient de sa faiblesse physique.

Le garçon resta stoïque à la remarque de la petite, enregistrant simplement qu'elle lisait les sentiments des personnes. C'était vrai, il n'avait pas de raisons de rester en vie et trop à regretter, pas assez de choses dont il pouvait être fières. N'avait rien à donner et rien à perdre, comme un point noir dans l'infinité de ce monde, il était une erreur depuis le début mais n'en faisait rien, habitué à la vie qu'il menait. Ses yeux rouges pale, vides de pupille, étaient pires que des fenêtres sur son âme, ils laissaient transparaître tout son cœur sans discrétion, sans erreurs. Mais que les gens sachent ce qu'il avait dans l'âme ne lui importait pas. Il n'avait rien au fond, rien que de la résignation et l'abandon, il n'avait pas d'espoir et ne cherchait pas à s'en faire, ne se consolait pas parce qu'il savait bien, au fond, que s'il essayait de remonter, il ne ferait que retomber et se faire mal. Il n'avait aucune raison de creuser sa propre tombe et ne le ferait pas. Il laissait ce disgracieux et dégradant travail à quelqu'un d'autre même s'il s'il n'avait pas de fierté pour l'en empêcher, ni d'estime pour soi même. Il n'aurait probablement même pas sa propre tombe, crèverait seul au fond d'un fossé ou dans la boue d'un ruisseau. Et puis il aura disparu, tant mieux, tant pis. On l'oubliera bien assez vite, le sale gosse qui ne pouvait pas voler de ses propres ailes, chien galeux et tare de la famille, erreur de la nature et fils de démon. Ça n'avait pas d'importance tout ça.

-Pour aller où? Ce n'est pas mieux de l'autre côté, je sais.

Il n'était pas né ici non, N'avait en fait passé qu'une courte durée de sa vie dans ce trou, mais les deux mondes, celui qu'il avait quitté et celui qu'il avait rejoint se ressemblaient tellement qu'il ne voyait pas pourquoi il sortirait. Et là encore, chacun de ses espoirs était brisé en fines particules de poussière, chaque fois qu'il espérait il retombait tout droit dans son trou, toujours plus blessé à chaque fois, saignant toujours plus de ses cicatrices et séquelles. C'est aussi pourquoi il ne voulait laisser personne entrer dans sa bulle. Il s'était tellement répété que la solitude était son seul et unique compagnon qu'il avait finit par le croire, lui qui contrôlait une lumière qu'il ne pouvait pas voir lui même. Il ne pouvait sortir de l'obscurité parce qu'il ne la voyait pas, ni elle ni la lumière. Il n'irait nul part, restant dans le noir, et si jamais il venait à en sortir, il ne s'en apercevrais pas.

Is darkness really so bad?

Le garçon écouta calmement la petite, se faisant une note mentale pour se rappeler qu'elle était visiblement très mure pour son âge. Il pesait chaque mot, ça, il savait faire, il savait écouter et comprendre, sans pour autant savoir répondre ou entretenir une conversation. L'une de ses oreilles se tourna vers la jeune fille, l'autre restant plaquée contre sa tête d'un air soumis. À qui ou quoi, il ne le savait pas, il avait abandonné parce que c'était plus facile ainsi, c'était une vie dans l'ombre qu'il avait. Son cas était un peu spécial, certes, parce que ses yeux ne voyaient pas vraiment cette lumière ou obscurité qui était censée l'entourer tout les jours. Il n'avait pas de pupille pour rétrécir quand on l'aveuglait ou s'agrandir quand tout devenait noir. Tout était toujours pareil, tellement pareil que c'était devenu terne et gris, même les couleurs les plus sombres. C'était dur à décrire pour quelqu'un qui n'avait pas la même vue que lui, autant qu'il lui était dur d'imaginer plus de couleurs différentes quand la lumière changerait. Il la sentait, certes, mais elle était invisible à ses yeux.

Un silence se bâtit, il en profita pour finir son bol de soupe, prenant bien le temps de pécher chaque morceau de nouille qui restait au fond. Il avait ses petites manies aussi, comme chaque autre personne. Il n'était pas différent ou spécial, il était humain, avec beaucoup de défauts et quelques qualités ça et là. Tous ne réagissent pas de la même façon, mais tous vivent la même chose au fond, certains se relèvent et d'autres préfèrent rester couché, le poids de la vie devenu trop lourd à supporter. Shi avait été parmi les premier à tomber, ses frêles épaules cédant vite. Il ne se sentait pas coupable de rester à terre et ne réagit d'abord pas à ce qui aurait pu être considéré comme des insultes par la jeune fille. Il n'avait été sorti de son calme, de son apathie qu'une fois et y avait perdu son aile et y avait gagné la cicatrice sur sa joue gauche. Ça lui importait peu en fait, c'était comme ça. Il n'y avait pas réfléchit. Il s'était demandé un temps pourquoi il devait porter le démon en ruban blanc autours du bras mais avait laissé glisser ce détail aussi. C'est comme ça, voilà dans quel sens allaient ses pensées. Mais il allait répondre à la petite, peut-être simplement pour qu'elle voit les points de vue qu'il avait lui, qu'elle essaye de penser comme lui. Et si elle le méprisait après, tant pis. Tant mieux. S'en fout.

-Dis moi, à quoi croit tu que je serve?
Personne ne réussit tout dans sa vie, je sais parce que je vois. Je n'ai jamais cru ça parce que je ne l'ai jamais vu. Mais vivre dans un rêve est le meilleur moyen de trébucher sur la réalité qu'on a oubliée.
Et dis moi aussi, qui fait je souffrir?

Ses mots ne portaient pas d'amertume ou de haine, de regret ou de mépris. Il semblaient vaguement résignés, oubliés peut-être, comme s'il disait quelque chose sans y penser, comme un automate, s'il exposait sa vie comme un portrait, comme un objet qu'on juge après à sa guise. Et puis il se souvint de quelque chose, quelque chose qui le fit hésiter entre sourire et soupir. Il ne souriait pas, avait oublié comment faire, n'avait pas envie de chercher l'énergie de soupirer, et resta finalement stoïque quand il posa sa troisième question de la journée, lui qui d'habitude ne parlait pas beaucoup. Il attendrais une réponse et puis partirais, parce que la compagnie le rendait nerveux, parce qu'il sentait la menace potentielle que représentaient les autres pour lui.

-Tu dis que je devrais mourir, mais sait tu ce que Shi veut dire? C'est mon nom.

Il y avait un accent indescriptible sur le dernier mot, tellement léger qu'on ne l'entendait pratiquement pas. Il n'accordait aucune importance aux noms tout en les analysant avec prudence quand on les lui donnait, pour en tirer l'information essentielle et les oublier ensuite.

Walk a dead path is the same as not mooving at all.

C'est quand même particulièrement malpoli de lire dans la tête des gens tout le temps. Ce n'était pas Shi qui se laisserait irriter par ce genre de choses, mais il désapprouvait ce comportement. Et puis, il avait essayé de comprendre d'autres points de vue mais il y voyait surtout le risque de perdre. Il ne se sentait pas dérangé par la vie qu'il menait. Il la menait bien, n'avait à se faire du souci que pour sa propre peau et n'aurait pas trop mal s'il en venait à la perdre. C'était facile et désespéré en même temps, gris, terne et sans changements, sans rêves. Un monde ou tout était au dessus de toi, plus fort et plus grand, mais ou tout au dessus avait mal, peut-être plus mal que lui tout en bas. Sa douleur était stable, ne connaissait ni hauts ni bas, il s'y était habitué comme à l'univers entier. S'il mourrait un jour dans le labo, eh bien qu'il en soit comme ça. Après, il n'aurait plus à se soucier de rien et son problème sera réglé. Il ne servait à rien maintenant et personne ne le voyait vraiment mais après tout, tant qu'il était invisible, il avait sa paix, avait la solitude qu'il recherchait partout et toujours.

Son esprit pouvait en effet être qualifié de mort, son âme disparue ou brûlée, consumée par l'échec et les coups. Parce qu'il ne fallait quand même pas imaginer qu'il avait décidé de rester au sol sur un simple coup de tête. Il s'était aperçu qu'il pouvait tomber plus bas, encore plus bas à chaque fois qu'il tendait la main pour monter. Il avait essayé aussi, plusieurs fois, juste un peu pour tomber toujours. Et quand il avait fait un grand pas, l'espoir ayant recommencé à briller dans son cœur, ce dernier avait cassé, brisé en milliers de petit diamants scintillants et coupant, étalés sur le pavement. Il avait perdu plus qu'avant parce qu'il avait essayé plus, et ça avait le déclic. Plus il tentait, plus il tombait, et plus l'atterrissage était dur et douloureux. Autant rester là ou il avait un peu de douleur, beaucoup d'obscurité et un grand calme agréable, presque réconfortant. Et de toute façon, il ne la voyait pas l'obscurité, la lumière non plus.

Le garçon écarta une mèche qui lui cachait les yeux, la plaçant un peu sur le côté. Elle allait retomber dans les trois minutes suivantes, mais tant pis. Il se leva pendant que la jeune fille constatait son nom et lui posait une question qui semblait n'avoir aucun rapport avec la mort. Shi avait pourtant compris ce qu'elle voulait dire, qu'il fallait être stupide pour se laisser influencer par son nom. Simplement, la question semblait correspondre tellement bien au faits...

-Peut-être.

La dessus, il se leva complètement, pris son bol et le posa dans un évier, ouvrant grand le robinet. Le bruit de l'eau et le grincement du matériel couvrit tout pour un moment. Quand l'eau déborda du bol en plastique blanc, il referma le robinet dans un grincement d'outre-tombe et se dirigea vers la porte, les épaules affaissées et les oreilles basses. Il se portait toujours comme ça, son aile valide légèrement dépliée et l'autre tombante, délaissée. Il avait entendu ce qui lui avait déjà été dit, avait répété une conversation qui ne lui était pas nouvelle. Il avait à chaque fois essayé de comprendre encore, d'envisager l'autre point de vue, mais ses yeux sans pupille ne voyaient pas de différence entre l'obscurité dans laquelle il vivait et la lumière qui lui était promise.